Albert Caquot, l’ingénieur français qui a façonné le XXe siècle
Par Patrice Selosse (Comité d'organisation des manifestations du cinquantenaire d'Albert CAQUOT)
Il y a bientôt 50 ans disparaissait Albert Caquot. La Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale (SEIN, et les Ingénieurs et Scientifiques de France préparent plusieurs manifestations pour rappeler qui était cet homme, sa vie, son oeuvre.
Alors, en quelques mots, qui était Albert Caquot ?
Albert Caquot à Polytechnique, Wikipedia
Il est souvent qualifié de « plus grand ingénieur vivant » par ses contemporains. Pourtant, le nom d’Albert Caquot (1881–1976) reste encore discret dans la mémoire collective française. Ingénieur visionnaire, bâtisseur hors pair, inventeur fécond et serviteur de l’État, Albert Caquot a profondément marqué l’histoire de l’ingénierie moderne en France, dans des domaines aussi variés que le génie civil, l’aéronautique et la mécanique des fluides.
Un prodige du génie civil
Né en 1881 à Vouziers (Ardennes), diplômé de l’École polytechnique (X1900) et de l’École nationale des ponts et chaussées, Albert Caquot devient l’un des pionniers de l’utilisation du béton armé en France. Il introduit des techniques novatrices qui permettent de repousser les limites architecturales et structurelles.
Parmi ses réalisations majeures :
Le pont de La Caille (1928, Haute-Savoie) — un viaduc audacieux de 192 mètres de portée, considéré comme un chef-d’œuvre de l’époque en béton armé ;
Le barrage de Génissiat (construit entre 1937 et 1948, sur le Rhône) — surnommé le “Niagara français”, premier grand barrage hydroélectrique du pays ;
L’aéroport d’Orly (1932) — Albert Caquot conçoit l’une des premières pistes modernes, adaptée à l’aviation commerciale naissante.
Maître de l’aéronautique et de la mécanique
Durant la Première Guerre mondiale, il met son génie au service de l’armée :
L’aérostat Caquot (1914) — un ballon captif de surveillance, plus stable que les modèles allemands, utilisé sur le front pour l’observation et le réglage d’artillerie (également adopté par les Alliés, y compris les États-Unis).
En parallèle, il révolutionne la mécanique des sols et la mécanique des fluides :
Il formalise la théorie de l’état limite, qui transforme les calculs de résistance des matériaux et fonde la géotechnique moderne ;
Il modernise la soufflerie de Chalais-Meudon (1932), qui devient l’une des plus puissantes au monde pour les essais aérodynamiques.
Serviteur de l’État et des sciences
Président du Conseil des Ponts et Chaussées, directeur général de la Société nationale de construction aéronautique du Sud-Est (SNCASE), Albert Caquot fut aussi président de l’Académie des sciences (1952–1956) et membre de l’Académie des technologies. Président de la Société des Ingénieurs Civils en 1938 (Ex-IESF), et Président de la SEIN (1951-54).
Ses innombrables contributions lui valent une reconnaissance internationale :
Médaille John Fritz (1930) — l’une des plus prestigieuses distinctions en ingénierie mondiale ;
Grand-Croix de la Légion d’honneur ;
Élu à plusieurs académies scientifiques à l’étranger.
Un héritage toujours vivant
Jusqu’à son décès en 1976, à l’âge de 95 ans, Albert Caquot reste actif et consulté sur les grands projets nationaux. Son héritage irrigue encore aujourd’hui les ouvrages d’art, l’aéronautique, la géotechnique et la recherche scientifique.
En 2006, le Trophée Albert Caquot a été créé par l’Association française de génie civil pour récompenser chaque année un ingénieur remarquable.
Albert Caquot, discret mais infatigable, incarne cette figure d’ingénieur humaniste qui plaçait l’innovation au service du bien commun. À l’heure où les défis technologiques et environnementaux exigent audace et rigueur, son parcours demeure une source d’inspiration indéniable.
Albert Caquot , Wikipedia